Une intrusion dans les systèmes informatiques des tribunaux fédéraux pourrait avoir compromis des documents critiques et mis en danger la sécurité de témoins, relançant le débat sur l’obsolescence des outils numériques de la justice américaine.
Une brèche au cœur des infrastructures judiciaires
Début juillet, une cyberattaque a frappé de plein fouet le système de dossiers électroniques des tribunaux fédéraux américains. Selon Politico, cette intrusion, qui vise directement des plateformes stratégiques, révèle la persistance de failles dans des infrastructures censées être parmi les plus sécurisées du pays. Les enquêteurs redoutent désormais une divulgation massive d’informations confidentielles, avec un impact direct sur la confidentialité des affaires pénales et l’intégrité du système judiciaire.
Les systèmes CM/ECF et PACER pris pour cibles
Au centre de l’attaque se trouvent deux piliers du fonctionnement quotidien des juridictions fédérales. La plateforme Case Management/Electronic Case Files (CM/ECF), essentielle à la gestion des procédures, et PACER, qui permet au public d’accéder à certaines archives, auraient été compromis.
Les données concernées pourraient inclure l’identité de témoins coopérant avec les autorités, des actes d’accusation encore sous scellés, des mandats d’arrêt non exécutés ou des documents liés à des opérations en préparation. Une fuite de ce type pourrait exposer ces personnes à de graves menaces, et offrir un avantage stratégique à des groupes criminels ou à des acteurs étrangers malveillants.
Une évaluation complexe et toujours en cours
L’Administrative Office of the U.S. Courts, le ministère de la Justice et les tribunaux de district concernés poursuivent leurs investigations. La structure décentralisée du système judiciaire, composée de réseaux locaux disparates, rend l’analyse forensique particulièrement ardue.
D’après des sources citées par Politico, certaines identités jugées « à risque exceptionnel » seraient protégées par des protocoles distincts. Mais pour de nombreux autres acteurs du monde judiciaire, l’incertitude persiste, fragilisant la confiance dans la sécurité des procédures.
Une communication officielle verrouillée
Les autorités se montrent extrêmement prudentes. Ni les représentants des tribunaux ni ceux du ministère de la Justice n’ont détaillé publiquement les circonstances de l’intrusion ou les méthodes employées par les hackers. Le FBI, chargé de l’enquête, reste également silencieux.
En interne, des informations ciblées auraient été transmises aux juridictions les plus concernées. Politico rapporte par exemple que les juges principaux du 8e circuit — couvrant notamment l’Arkansas, le Minnesota et le Missouri — auraient été briefés lors d’une conférence judiciaire à Kansas City.
Des avertissements ignorés
Quelques mois avant l’attaque, Michael Scudder, président du comité informatique du conseil national de la magistrature fédérale, avait déjà alerté la Chambre des représentants. Il qualifiait CM/ECF et PACER d’« obsolètes » et inadaptés face aux menaces actuelles. Il plaidait pour un remplacement progressif, seule solution selon lui pour renforcer la résilience de la justice numérique.
Ces propos faisaient écho à des tentatives de piratage survenues dès 2020, imputées à des acteurs étrangers. Chaque incident relance la question de la gestion sécurisée des données judiciaires, aussi bien pour les professionnels que pour le public.
Entre urgence et obstacles à la modernisation
Cette cyberattaque illustre les risques d’une dépendance croissante à des systèmes vieillissants. Une exposition accidentelle d’informateurs ou de prévenus protégés pourrait avoir des conséquences irréversibles, humaines comme juridiques.
La modernisation est devenue un impératif. Mais elle se heurte à deux contraintes majeures : assurer la continuité des services judiciaires et mobiliser des ressources financières considérables. Les sources interrogées par Politico évoquent une pression croissante pour accélérer cette refonte et établir de nouveaux standards de cybersécurité, dans un environnement où les menaces évoluent plus vite que les infrastructures censées les contenir.