Le manifeste en faveur d’une souveraineté numérique européenne secoue les lignes : grandes entreprises, start-up et acteurs publics plaident pour une rupture avec les géants américains et chinois.
Une mobilisation inédite au service de l’autonomie numérique
Airbus, Mistral, France 2030… Derrière les noms familiers ou plus récents, ce sont près de 300 entités françaises qui se sont rassemblées pour défendre une ambition commune : donner à l’Europe les moyens de son indépendance technologique. Leur message est clair : il est temps de réduire la dépendance envers les GAFAM et leurs homologues chinois.
À l’origine de cette démarche, l’Innovation Makers Alliance (IMA), qui fédère les responsables innovation de grands groupes, avec en ligne de mire un objectif : construire une boîte à outils européenne capable d’identifier les solutions locales, d’en accélérer l’adoption et d’en faire un levier stratégique.
Cinq mesures concrètes pour changer la donne
Dans leur manifeste, les signataires avancent cinq propositions structurantes, pensées pour faire bouger les lignes de manière durable.
Parmi elles, un Small Business Act à l’européenne. L’idée ? Réserver une part des marchés publics aux PME technologiques européennes. Un moyen de donner de la visibilité aux besoins des grands groupes, souvent perçus comme opaques, et de soutenir l’émergence de champions locaux.
Autre levier : un “Bonus Souveraineté”, conçu sur le modèle des aides aux écotechnologies. Ce mécanisme de subventions et d’incitations fiscales viserait à encourager les entreprises à privilégier les solutions locales, plutôt que de se tourner systématiquement vers les offres venues des États-Unis ou de Chine.
Créer un socle technologique commun, sécurisé et interopérable
L’initiative ne s’arrête pas à la seule question de l’achat public. Elle défend aussi la création de “data spaces” conformes au RGPD, capables de garantir un partage sécurisé des données et de nourrir des intelligences artificielles alignées sur les valeurs européennes.
Autre proposition : une plateforme centralisée des appels d’offres technologiques, accessible aux start-up, pour faciliter leur entrée dans les circuits d’innovation collaboratifs, qu’ils soient publics ou privés.
Un défi politique autant qu’industriel
Mais l’autonomie numérique ne se décrète pas. Elle se construit dans un contexte complexe. Les 27 avancent en ordre dispersé, chacun avec ses priorités nationales, freinant toute dynamique commune. À cela s’ajoute le poids persistant des alliances américaines, toujours très présentes dans l’écosystème européen.
Malgré l’émergence d’acteurs comme Mistral, de nombreuses entreprises européennes continuent de nouer des partenariats avec OpenAI ou Microsoft, renforçant malgré elles la dépendance qu’elles espèrent réduire.
L’Europe à la croisée des chemins géopolitiques
Ce mouvement vers une plus grande souveraineté ne relève pas seulement de l’optimisation économique. Il redéfinit les équilibres géopolitiques. Dans un contexte où les États-Unis n’hésitent pas à imposer des restrictions ou à remodeler unilatéralement les règles du jeu – à l’image de certaines décisions récentes de Meta – l’Europe ne peut plus se contenter d’une posture d’adaptation.
La France en éclaireur
Dans ce combat, la France entend jouer un rôle moteur. Elle dispose d’atouts solides, à commencer par un vivier d’ingénieurs parmi les meilleurs au monde. Ce n’est pas une question de taille, mais de stratégie. En valorisant ses compétences et ses infrastructures, elle veut prouver qu’une autre voie est possible : celle d’une Europe techniquement souveraine, économiquement compétitive et politiquement indépendante.