Meta AI : quand vos conversations privées deviennent virales sans prévenir

Meta AI : quand vos conversations privées deviennent virales sans prévenir

Sur l’application Meta AI, poser une question anodine à un chatbot peut, sans que vous ne le sachiez, propulser votre vie privée en pleine lumière.

Des échanges publiés par défaut… ou presque

Sur le papier, ça ressemble à une mauvaise blague futuriste : découvrir que vos échanges avec une intelligence artificielle sont publiés aux yeux de tous, sans avertissement clair. C’est pourtant ce qui se passe en ce moment sur l’application autonome Meta AI, lancée fin avril, où des utilisateurs partagent  parfois sans s’en rendre compte  leurs conversations supposément privées avec le chatbot de Meta.

Le mécanisme est simple : après avoir posé une question à l’IA, un bouton « Partager » s’affiche. En appuyant dessus, l’utilisateur voit un aperçu de son post avant de le publier. Ce que beaucoup ne semblent pas saisir, c’est que ce contenu devient alors accessible publiquement, dans un flux partagé avec d’autres utilisateurs de l’app. Textes, enregistrements audio, images… tout y passe.

Quand l’intime devient viral

Ce matin-là, personne ne s’attendait à entendre, en se réveillant, un message vocal dans lequel un homme au fort accent du sud demande à l’IA : « Hé Meta, pourquoi certaines flatulences sentent-elles plus mauvais que d’autres ? »

Mais les gaz intestinaux ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Sur l’app, on trouve des requêtes autrement plus sensibles : des conseils pour échapper au fisc, des inquiétudes sur d’éventuelles implications familiales dans des délits financiers, ou encore des tentatives de rédaction de lettres de recommandation pour des personnes faisant face à des poursuites, noms et prénoms inclus. La chercheuse en cybersécurité Rachel Tobac a même mis en lumière des publications contenant des adresses personnelles ou des détails de procédures judiciaires.

Un flux public digne d’un musée du malaise

Les captures d’écran issues de l’application donnent un aperçu du chaos ambiant : un utilisateur demande à voir Mark Zuckerberg avec un ventre de femme enceinte marié à un insecte ; un autre s’interroge sur des boutons rouges à l’intérieur de la cuisse ; un dernier veut voir Goku fêter la journée de la Russie.

Et ce n’est pas tout. Meta ne précise nulle part les paramètres de confidentialité liés à ces publications, ni même où elles apparaîtront. Résultat : si vous vous connectez via Instagram, et que votre profil est public, vos recherches les plus embarrassantes — comme « comment rencontrer des femmes aux grosses fesses » — le deviennent aussi.

Une faille de conception évitable

Un dérapage prévisible ? Difficile d’en douter. Il fallait sans doute un certain aveuglement pour croire que les utilisateurs auraient envie de consulter les conversations d’inconnus avec une IA. Google, en plus de 20 ans, ne s’y est jamais risqué. Et ceux qui se souviennent du fiasco d’AOL en 2006, lorsque des recherches pseudonymisées avaient été rendues publiques, savent à quoi s’attendre : une tempête médiatique.

Selon Appfigures, l’app Meta AI a été téléchargée 6,5 millions de fois depuis son lancement le 29 avril. Un bon score pour une start-up. Mais ici, il s’agit de Meta, un géant qui a investi des milliards de dollars dans ses technologies d’IA. Les attentes ne sont pas les mêmes.

La viralité incontrôlée comme stratégie ?

Et les dérives continuent : un utilisateur demande à publier son numéro dans des groupes Facebook pour rencontrer des femmes ; un autre cherche à rédiger une lettre pour un employé en difficulté judiciaire ; un troisième publie une image générée par l’IA de Mario au tribunal, légendée « le divorce de Super Mario ».

Les publications s’enchaînent, les situations cocasses viralisent. En quelques heures, l’application est devenue un théâtre de l’absurde, où se côtoient CV de cybersécurité, trolls en avatar Pepe the Frog et bricolages de bang avec bouteille d’eau.

Si Meta cherchait à générer du buzz autour de son IA, elle a visiblement trouvé la méthode : laisser ses utilisateurs s’exposer eux-mêmes, en toute inconscience.