En dépit de la place centrale que le numérique occupe dans le monde professionnel, une large part des travailleurs français peine encore à en maîtriser les bases.
Près de six actifs sur dix n’atteignent pas le niveau de compétence numérique considéré comme « autonome », selon les données révélées par le service public Pix. Une statistique qui fait tache dans un contexte où la transformation digitale est souvent présentée comme une évidence, voire un passage obligé. Mais derrière les slogans et les plans d’action, la réalité semble plus contrastée.
Un retard généralisé, mais une volonté d’apprendre
Dans le détail, seulement deux personnes en emploi sur cinq disposent des compétences numériques suffisantes pour travailler de façon autonome avec les outils digitaux. Autrement dit : la majorité des salariés français reste dépendante, en tout ou partie, d’une assistance extérieure ou d’un apprentissage sur le tas pour effectuer des tâches pourtant quotidiennes dans nombre de secteurs.
Le bon côté ? L’envie de progresser est là. D’après Pix, plus de 85 % des actifs souhaitent améliorer leurs compétences numériques, un chiffre qui transcende les niveaux de diplôme ou les catégories professionnelles. Une appétence qui, bien que positive, ne suffit pas à combler les lacunes constatées sur le terrain.
Les cadres ne sont pas épargnés
L’un des enseignements les plus inattendus de l’étude concerne les cadres. On les imagine à l’aise dans les outils de pilotage, rompus à la vérification des sources, rôdés à la sécurité informatique… et pourtant, seule la moitié atteint un niveau numérique jugé suffisant pour une réelle autonomie.
Plus préoccupant encore, près de 80 % d’entre eux rencontrent des difficultés à évaluer la fiabilité d’une source d’information. Une faiblesse d’autant plus problématique qu’elle peut avoir un impact direct sur les décisions stratégiques. La méconnaissance des risques de phishing ou des principes de cybersécurité de base touche aussi une large partie de ces profils censés guider les transformations numériques.
Cybersécurité, RGPD, numérique responsable : les angles morts
L’analyse de Pix souligne également d’importants angles morts sur des sujets devenus critiques. Un salarié sur deux ne sait pas détecter un mail frauduleux, un niveau de vigilance pourtant essentiel à l’heure où les attaques par ingénierie sociale explosent. En parallèle, beaucoup ignorent leurs droits en matière de protection des données, malgré l’entrée en vigueur du RGPD depuis près de sept ans.
Même constat sur le numérique responsable. Alors que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à intégrer les enjeux environnementaux dans leur stratégie, trois salariés sur quatre méconnaissent l’impact écologique du numérique. Déconnexion entre discours RSE et culture numérique des collaborateurs, ou simple déficit de sensibilisation ?
Former pour combler le fossé
Face à l’ampleur des lacunes, l’urgence d’une formation continue généralisée s’impose. Mais pas à n’importe quelles conditions : les dispositifs doivent être accessibles, personnalisés et conçus pour s’adapter à chaque secteur. Les plateformes en ligne, les ateliers pratiques, les parcours modulaires sur le temps de travail… Autant de pistes à renforcer pour aligner l’ambition digitale avec la réalité du terrain.
Le sujet dépasse la simple efficacité individuelle. Dans un marché globalisé, la capacité à manier les outils numériques est un levier de compétitivité. Préparer les salariés, c’est préparer l’entreprise, et à plus grande échelle, le pays, à affronter les défis économiques, sociaux et écologiques de demain.
Plutôt qu’un constat d’échec, ces chiffres doivent être lus comme un signal d’alerte. Le numérique n’est plus une option, mais une compétence aussi essentielle que la lecture ou l’écriture. Il est temps de l’intégrer pleinement comme tel.