Leur activité est presque invisible, mais leur impact est bien réel : les « gray bots » se multiplient et mettent sous tension les infrastructures numériques.
Des robots ni bons ni méchants, juste insatiables
Entre les bots bienveillants des moteurs de recherche et les scripts malveillants conçus pour pirater ou frauder, une zone grise s’étend : celle des gray bots. Ces automates, souvent dédiés au scraping massif de données, agissent à la frontière de la légalité et de l’acceptabilité. Leur objectif ? Alimenter des modèles d’intelligence artificielle toujours plus voraces.
Certaines plateformes reçoivent jusqu’à 9,7 millions de requêtes mensuelles de ces bots, selon une étude récente. Et le phénomène ne se cantonne pas à un secteur : santé, finance, e-commerce… tous sont concernés. Les IA génératives ont besoin de matière première, et les gray bots sont leurs fourmis ouvrières.
Une pression qui grignote les performances
Problème : cette collecte incessante n’est pas sans conséquence. Les infrastructures numériques peinent à absorber cet afflux non humain, qui peut ralentir considérablement le temps de chargement des pages et dégrader l’expérience utilisateur. Pour un site à forte audience, cela peut rapidement se traduire en pertes financières.
Pire, cette activité parasite fausse les outils d’analytics, en gonflant artificiellement les chiffres de trafic et en perturbant l’interprétation des comportements réels. Chez Barracuda, spécialiste de la cybersécurité, on alerte sur les risques de non-conformité réglementaire, notamment dans les secteurs sensibles.
Des barrières traditionnelles devenues obsolètes
Si le fichier robots.txt a longtemps servi de signal d’interdiction aux visiteurs automatisés, il ne fait plus vraiment le poids face à ces bots devenus experts en contournement. Leurs concepteurs ne respectent pas toujours les règles, et leur sophistication rend leur détection plus ardue.
D’où l’émergence de nouvelles stratégies, plus intelligentes et adaptatives. Des solutions dopées à l’IA sont désormais capables d’identifier les schémas de comportement suspects et de bloquer ces flux indésirables en temps réel. L’approche dite comportementaliste, par exemple, surveille l’intention d’une entité numérique pour anticiper les abus avant même qu’ils ne surviennent.
Faut-il apprendre à vivre avec eux ?
Malgré leur caractère envahissant, les gray bots sont en passe de devenir une composante structurelle de l’écosystème numérique. Leur capacité à alimenter les intelligences artificielles, à enrichir les algorithmes de recommandation ou à cartographier le web en temps réel leur confère une utilité que certains acteurs ne veulent pas ignorer.
Mais cette utilité ne doit pas masquer les risques. Encadrer leur usage, protéger les données sensibles, et surtout garantir la souveraineté des sites sur leur contenu, devient impératif. Entre surveillance proactive et innovations défensives, les gestionnaires d’infrastructures numériques savent désormais qu’il ne s’agit pas seulement de résister… mais de s’adapter.