Tandis que la firme de Mountain View pousse plus loin l’intégration de l’IA, la place accordée aux éditeurs dans son écosystème semble de plus en plus marginale. Une bascule qui ne fait plus l’ombre d’un doute.
Une cohabitation sous tension
Pendant des années, Google a été le nerf de la guerre pour les éditeurs web, leur envoyant un flux constant de visiteurs depuis son moteur de recherche. Mais à en croire plusieurs anciens dirigeants, ce modèle ne serait plus vraiment dans les plans. L’un d’eux, interrogé dans un article de Bloomberg consacré à Elizabeth Reid (VP Search), résume bien l’état d’esprit : rediriger vers les éditeurs serait perçu comme « un mal nécessaire ». Autrement dit, un compromis, pas un objectif.
Le cœur du problème est là : plus Google retient les utilisateurs sur ses pages, moins ces derniers se rendent sur les sites tiers. Et ce n’est plus seulement une hypothèse.
Requêtes visuelles et vocales : la nouvelle donne
Elizabeth Reid prédit une mutation en profondeur : la barre de recherche elle-même perdrait de sa centralité. À sa place ? La voix, l’image, et des résultats instantanés, sans clics. Une tendance qui s’impose avec la montée en puissance des assistants vocaux comme Google Assistant ou Alexa, mais aussi grâce à des fonctionnalités visuelles intégrées à la caméra des smartphones.
Cette orientation renforce la mainmise de Google sur l’expérience utilisateur, en la rendant plus directe, plus intuitive… mais aussi plus fermée. Rajan Patel, autre dirigeant clé, évoque des cas d’usage concrets : apprentissage, consommation, navigation quotidienne. Des cas où l’utilisateur n’a même plus besoin de sortir de l’environnement Google pour obtenir ce qu’il cherche.
L’IA, catalyseur d’un changement de paradigme
Avec l’intégration progressive de l’intelligence artificielle dans son moteur de recherche, Google franchit une étape supplémentaire. Les résumés générés automatiquement, les réponses enrichies, les suggestions prédictives : autant d’outils qui transforment la recherche en une expérience fermée et proactive, où l’utilisateur n’a plus besoin de cliquer pour obtenir une réponse.
Google assure que ces innovations sont encore expérimentales et potentiellement faillibles, mais le cap est donné. L’enjeu est double : améliorer la fidélisation… tout en réduisant la dépendance au web ouvert.
Un soutien de façade au web libre ?
Officiellement, Google continue de défendre un internet ouvert. Sundar Pichai et d’autres responsables l’ont martelé à plusieurs reprises, notamment lors du Search Central Live de New York : le trafic de qualité vers les sites tiers resterait une priorité. Mais en coulisse, les témoignages d’anciens employés viennent nuancer cette posture.
Entre la volonté affichée de soutenir les éditeurs et les mécanismes internes qui favorisent la rétention dans l’écosystème Google, l’écart se creuse. Et les tensions augmentent.